L’instrumentalisation des mémoires de la Seconde Guerre Mondiale et du Nazisme par la Russie dans le contexte du conflit russo-ukrainien actuel

Par Clara Accard, 11/01/2024

            Le 24 février 2022, Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, a affirmé chercher à « démilitariser et à dénazifier l’Ukraine[1] ». Quelques heures plus tard seulement, les soldats russes traversèrent la frontière et envahirent l’Ukraine. Par la suite, Vladimir Poutine mobilisa tout un argumentaire visant à se dresser comme la seule puissance luttant contre le nazisme et, à dépeindre l’Ukraine, comme un pays partisan du nazisme.

            Le 30 décembre 1922 a été créée l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, l’URSS. Elle proclame l’égalité des républiques fédérées, mais la Constitution de 1924 dispose que les républiques de l’Union se trouvent véritablement sous la tutelle du centre politique auquel elles doivent déléguer certaines prérogatives fondamentales (comme les questions de défense et de sécurité, ainsi que de budget…).  La République Soviétique de l’Ukraine a, quant à elle, été proclamée en décembre 1917 et s’est liée à la Russie soviétique par un traité militaire et politique en juin 1919. Elle adhéra ensuite à l’URSS, en tant que république fédérée, en décembre 1922.

            Le 20 novembre 1990, Boris Eltsine, le président du Soviet suprême de la république socialiste fédérative soviétique de Russie a signé avec Leonid Kravtchouk, le président Ukrainien, un accord bilatéral, reconnaissant leur souveraineté réciproque. Cet accord, a été suivi d’un autre, similaire, entre la Russie et le Kazakhstan. Ensemble, ils menacèrent le pouvoir de Gorbatchev et laissèrent entrevoir la désagrégation de l’URSS.

            Face au mouvement d’indépendance des républiques qui émergea dans les années suivantes, l’Union de ces républiques dû être repensée. Les débats à la chambre des députés du Soviet suprême de l’URSS n’aboutirent pas. Eltsine accéléra alors le processus de désintégration de l’Union, en mettant en marche l’indépendance de la Russie, via son élection comme président de la Russie, au suffrage universel du 12 juin 1991, déstabilisant encore le pouvoir de Gorbatchev[2]. Après l’échec du putsch de Moscou de ce dernier, Gorbatchev démissionna en décembre 1991.

            Le parlement Ukrainien proclama quant à lui l’indépendance de l’Ukraine, ratifiée par référendum, à plus de 90%, le 1er décembre 1991. Puis, sous l’impulsion de Boris Eltsine, Leonid Kravtchouk[3] et Stanislav Shushkevich[4], a été créée la Communauté des Etats indépendants, la CEI, ouverte à tous les Etats de l’ex-URSS. Le 21 décembre 1991 a donc été signé le traité fondateur de la CEI, réunissant 11 des 15 ex-républiques soviétiques [5] , qui affirmait que les Etats membres étaient « des sujets indépendants et égaux du Droit international », et que la Communauté à laquelle ils adhéraient n’était « pas un Etat et ne dispose pas de pouvoirs supranationaux[6] ».

            Le 25 décembre 1991, Gorbatchev annonça la fin de l’URSS, laissant ainsi émerger de nouvelles zones de tensions, comme la Crimée, le Donbass ou le Louhansk. La Russie s’est rapidement dressée comme l’héritière de l’Union Soviétique, et aujourd’hui Vladimir Poutine ne cache plus ses « ambitions impérialistes[7] », si bien qu’il a annexé la Crimée en 2014 et a envahi l’Ukraine en 2022.

            En effet, dès le 10 novembre 2021 des troupes russes s’approchèrent de la frontière que le pays partage avec l’Ukraine. Au 28 novembre, on comptait 92 000 soldats russes à la frontière[8]. Les tensions ne cessèrent d’augmenter dans la région. Le 21 février 2022, Poutine annonça que la Russie reconnaissait l’indépendance des deux régions pro-russes de l’est de l’Ukraine, Donetsk et Lougansk. Enfin, le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine sur quatre fronts. Elle poursuivit son avancée jusqu’au 24 mars de la même année, poussant jusqu’aux limites de Kiev, la capitale Ukrainienne.

            Après cette invasion, les références à la Seconde Guerre Mondiale, à la victoire Russe dans la « Grande Guerre Patriotique » et à un régime ukrainien nazi ou néo-nazi, n’ont cessé d’émerger dans les discours officiels et dans les journaux russes. L’Ukraine, se voyant alors attaquée n’a pas hésité à riposter, en accusant les troupes russes de se comporter comme les troupes allemandes nazies lors de la seconde guerre mondiale, mais également en s’opposant aux dires russes.

            Il convient de mettre en évidence les raisons ayant poussé Vladimir Poutine à instrumentaliser la mémoire russe de la Seconde Guerre Mondiale, et plus particulièrement, le souvenir du nazisme, pour tenter de légitimiser son action en Ukraine.

            En partant de l’étude des mémoires de la Seconde Guerre Mondiale russes, mais également ukrainiennes, on pourra essayer de déceler la stratégie d’instrumentalisation de ces mémoires par le président de la Fédération de Russie. Et on s’efforcera de mettre en exergue les contre-arguments mobilisés par l’Ukraine dans cette bataille mémorielle. Enfin, on pourra s’interroger sur les conséquences de ces arguments sur les populations russes et occidentales.

I – Les mémoires de la Seconde Guerre Mondiale :

            Pour comprendre les arguments de la Russie et de l’Ukraine dans le conflit actuel, nous devons revenir sur les actions des deux Etats lors de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que sur les politiques mémorielles mises en place par la suite.

A-   La Russie et la « Grande Guerre Patriotique »

            L’URSS a joué un rôle incontestable dans la victoire contre le nazisme lors de la Seconde Guerre Mondiale, appelée encore aujourd’hui « Grande Guerre Patriotique ». Hitler prévoyait une destruction de l’Union Soviétique dans le but d’éliminer de façon définitive la menace communiste, et voulait également confisquer les terres situées aux frontières soviétiques, sur le Lebensraum, autrement dit, l’ « espace vital » Allemand, sur lequel il pourrait installer des Allemands sur le long terme. Le pacte de non-agression germano-soviétique[9], signé le 23 août 1939 entre l’Allemagne et l’URSS fut rapidement violé par Hitler après sa conquête de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg. L’invasion de l’Union soviétique, appelée « opération Barbarossa », fut lancée le 18 décembre 1940 lorsque la Directive 21, le premier ordre opérationnel de l’invasion, fut signé. Le 22 juin 1941, les forces Allemandes envahirent l’Union Soviétique. Les Einsatzgruppen, suivant les troupes allemandes, lancèrent des opérations d’exécution de masse, visant les juifs, les Tsiganes et les dirigeants du parti communiste de l’Union Soviétique. Au cours des six premières semaines, les pertes de l’Union Soviétique furent énormes. Arrivés sur le territoire de l’Union Soviétique en juillet 1941, les Allemands durent faire face à une résistance croissante dès la mi-août 1941. Malgré tout, les Allemands arrivèrent à Leningrad (l’actuelle Saint-Pétersbourg), prirent Smolensk, Dnieprotrovsk et la Crimée, et arrivèrent aux abords de Moscou en décembre de la même année. Le 6 décembre 1941, l’Union Soviétique lança son offensive contre le centre du front allemand, qui s’étendait sur presque 1 600 kilomètres. Le front allemand fut alors déstabilisé et recula jusqu’à Smolensk. En été 1942 l’offensive allemande reprit, contraignant le maréchal allemand Paulus à capituler à Stalingrad (aujourd’hui Volgograd) le 2 février 1943. Mais en été de cette même année, la contre-offensive de l’Union Soviétique répliqua, affrontant les Allemands à Koursk, puis libérant Kiev en novembre et mettant fin au siège de Leningrad en janvier 1944. L’Armée Rouge ne s’arrêta pas là et poursuivit sa contre-offensive. Le 20 avril 1945 marqua le début de la bataille de Berlin, faisant tomber la ville en quelques jours. Et lorsque le maréchal Keitel signa la capitulation le 8 mai 1945, l’URSS dominait l’Europe centrale et orientale. A l’issue de la guerre, on dénombre environ 26,6 millions de morts pour l’Union Soviétique, dans ses frontières d’après-guerre, soit 13,5% de sa population.

            La victoire sur le nazisme, la marche sur Berlin, les nombreuses pertes subies par l’Union Soviétique, font de la victoire de la Seconde Guerre Mondiale un enjeu de mémoire important. Staline, tout d’abord, qui craignait que les chefs militaires ne lui fassent de l’ombre célébra la victoire, tout en tentant de s’attribuer toute la gloire. En parallèle de ces célébrations, les répressions de masse s’intensifièrent dans les territoires de l’Est, libérés de l’occupation nazie. Pour Marlène Laruelle, sous Khrouchtchev, « la grande bataille n’est pas encore mémorielle[10] ». Les célébrations visaient surtout à mettre en exergue la supériorité du socialisme face au capitalisme. Brejnev opéra quant à lui un véritable changement dans la politique mémorielle, dès son arrivée au pouvoir en 1964. Dans une Union Soviétique où la répression perd en intensité où on observe un « relâchement doctrinal[11] », Brejnev utilisa la victoire soviétique pour redonner du prestige à l’URSS. Il créa à l’occasion du 9 mai 1965, célébration du vingtième anniversaire de la victoire, la tradition des grandes parades militaires sur la place Rouge à Moscou. Pour Andreï Kazovoï « le mythe de la victoire » devient « un élément essentiel du vaste système de propagande soviétique[12] », permettant ainsi de diffuser leur mode de pensée. Nicolas Werth a par ailleurs décrit l’innovation de Brejnev comme « l’unité du peuple, du parti et de l’armée[13] », tel que l’homo sovieticus est devenu davantage patriote que communiste et que les soldats se sont transformés en figures emblématiques du patriotisme soviétique.

            Malgré tout, le « mythe bréjnévien »[14] resta une fiction, instrumentalisant l’histoire à la convenance du régime. Le nombre de perte resta longtemps fixé à 7 millions pour dissimuler la brutalité de la mobilisation Soviétique. Les déportations de masse et le pacte germano-soviétique restent tabous. L’objectif était de mettre la lumière sur le « prix du sang » payé par l’URSS pour libérer l’Europe du nazisme, tandis que les Européens de l’Ouest s’en étaient accommodés du nazisme, et que les Etats-Unis avaient uniquement profité de la guerre pour exercer leur domination sur le monde[15].

            La politique mémorielle de Poutine s’inscrit dans le prolongement de celle de Brejnev en cherchant à garantir à la Russie les droits que lui conférait la victoire de la « Grand Guerre Patriotique ». Cette politique promeut un « culte[16] » de la seconde guerre mondiale, mettant en son centre l’unité de l’Etat russe face aux ennemis extérieurs, tout en continuant à effacer la mémoire des crimes commis par l’Etat soviétique. Poutine véhicule alors une vision « purement idéologique et triomphaliste de la guerre et de la victoire ». Cette politique mémorielle repose sur plusieurs aspects, tout d’abord on remarque que le nombre de morts engendrés par la guerre n’est plus estompé, 26 millions de morts sont clairement annoncés. Le régime parle alors d’un « sacrifice incommensurable » et même si le nombre de témoins immédiats est aujourd’hui restreint, les familles gardent une mémoire vive et durable des victimes. Si bien que les jeunes mariés visitent encore la tombe du Soldat inconnu le jour de leur mariage, et que les bénévoles continuent de chercher les dépouilles sur les champs de bataille pour les inhumer[17].

            On observe également l’obstination du régime à l’encontre de l’ONG Memorial. Celle-ci a pour objectif de mettre au jour des crimes soviétiques, et de défendre les droits de l’Homme en Russie. Elle travailla notamment sur la période de la Grande Terreur de 1937-1938, pointant du doigt les responsables soviétiques. Refusant de reconnaître leur travail, le gouvernement liquida l’association en décembre 2021, désireux de maintenir un récit structuré de l’histoire du pays.

            En 2012, dans l’objectif de diffuser la version acceptée par le Kremlin de l’histoire russe, deux organismes ont vu le jour : la Société Historique Russe (SHR) et la Société Historique Militaire Russe (SHMR). Ces deux organismes se concentrent tout particulièrement sur la création d’expositions et la mise en place de conférences autour de la Grande Guerre Patriotique. Preuve, une nouvelle fois, de la volonté du gouvernement russe de contrôler le discours historique[18].

            Le pacte germano-soviétique resta globalement ignoré. En 2015, Poutine déclara tout de même que « Lorsque l’URSS a compris qu’on l’avait laissée toute seule face à l’Allemagne d’Hitler, elle a pris des mesures visant à éviter un affrontement direct, et le pacte a été signé [19]». Ce faisant, le président de la Fédération de Russie entretient « le discours victimaire des Soviétiques[20] », affirmant que les Occidentaux ne leur auraient laissé aucun autre choix après les accords de Munich en 1938. Cette instrumentalisation de l’histoire occulte non seulement la prétention d’expansion de l’URSS cachée dans la clause secrète du pacte, mais également les rapprochements de l’URSS avec le régime allemand antérieurs au début de la guerre, comme le prolongement du traité d’amitié en 1926.

            Dans le droit, on retrouve l’article 354.1 du code pénal de la Fédération de Russie, qui s’oppose à toute « réhabilitation du nazisme ». Il comprend quatre clauses. Les deux premières condamnent le négationnisme et les deux suivantes rendent pénalement répréhensible « la diffusion d’informations sciemment fausses sur les activités de l’URSS pendant la seconde guerre mondiale » et « la diffusion d’informations manifestement irrespectueuses sur les dates de la gloire militaire et les dates mémorables de la Russie relatives à la défense de la patrie ». A cela viennent s’ajouter les amendements de la Constitution de juillet 2020, qui introduisent la célébration de « la mémoire des défenseurs de la patrie » et l’interdiction de « minimiser la signification de [leur] héroïsme ». L’ensemble de ces lois garantissent donc à la Russie le pouvoir de maintenir son récit de la Grande Guerre Patriotique.

            Les manuels scolaires quant à eux mettent en évidence, selon les exigences de Poutine exprimées en 2001 lors d’une rencontre avec des historiens, « les mérites de la Russie victorieuse et avant tout le rôle de ses généraux[21] ». Il a, par ailleurs, cherché à mettre au point un manuel d’histoire national, lui permettant de limiter la diffusion d’opinions contradictoires.

            Enfin, il est intéressant de noter, que la Russie n’affirme pas clairement que le nazisme est une idéologie de race, dont l’objectif a été d’annihiler d’autres races. D’après Marlène Laruelle[22], le nazisme est présenté comme une création des capitalistes à l’encontre de l’URSS et des Slaves. Les juifs sont par ailleurs décrits comme étant avant tout des citoyens soviétiques, ce qui leur permet de mettre davantage en exergue les morts soviétiques, que les morts de la Shoah.

            La mémoire de la Grande Guerre Patriotique a permis de forger un « sentiment commun d’appartenance[23] » au sein de l’Union Soviétique puis de la Russie, si bien que la Grande Guerre Patriotique tient encore aujourd’hui une place centrale dans l’imaginaire Russe.

            Pour Jutta Scherrer, le culte de la victoire est « sur les plans émotionnel et moral […] une sorte de bouclier derrière lequel s’abrite la fierté d’un passé glorieux[24] » qui contrebalance un « présent ressenti comme […] moins glorieux[25] ». On observe d’ailleurs, lors des cérémonies du Jour de la Victoire, le 9 mai[26], un constant rappel de la part du chef de l’Etat, que la victoire de l’Union soviétique sur le nazisme leur a permis de s’élever au rang de puissance mondiale, de « puissance ayant vaincu le mal[27] » et de « justicier[28] ». Pour ne citer que quelques exemples, le 9 mai 2021, dans son discours commémoratif, Poutine affirma que « le peuple soviétique a […] libéré les pays d’Europe de la peste brune », et en 2012, pour la même occasion, il proclama que « Notre pays […] a offert la liberté aux peuples du monde entier. ». Ainsi il se replace constamment comme libérateur de l’Europe, grand vainqueur face au nazisme.

B-   L’Ukraine dans la seconde guerre mondiale et la recherche de l’indépendance

            Lors de la Seconde Guerre Mondiale, les Allemands marchèrent sur Lviv début septembre 1939. L’Armée rouge ne tarda pas à envahir la région à son tour, l’annexant et l’incorporant à la République Socialiste soviétique d’Ukraine. Le NKVD, la police soviétique, exécuta alors de nombreux nationalistes ukrainiens lors de sa présence sur le territoire. Face à cette domination de Moscou, Stepan Bandera, leader nationaliste ukrainien, a tenté de profiter de la guerre pour donner son indépendance à l’Ukraine. Pour ce faire, il collabora avec le régime nazi, en créant notamment la Légion ukrainienne. Fondateur de l’aile radicale de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, l’OUN-B , Stepan Bandera reçu plusieurs millions de marks en son nom pour former le corps de la future Ukraine indépendante. Celle-ci, placée sous le commandement de la Wehrmacht avait comme objectif, dès sa création, de combattre les soviétiques, et de participer au massacre des populations juives. Dès 1941 et la mise en place de l’opération Barbarossa qui vit le retour des troupes allemandes sur le territoire ukrainien, les membres de l’OUN-B, à travers l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), la branche militaire du parti, organisèrent, au nom du IIIe Reich, des pogroms, et créèrent des milices pour aider au génocide. Ils participèrent notamment au massacre de Babi Yar , le plus grand massacre de la Shoah ukrainienne par balle .

            Le 30 juin 1941, l’Acte de restauration de l’Etat ukrainien, proclamé par l’OUN, profitait du retrait des troupes soviétiques pour déclarer l’indépendance du pays. Stepan Bandera fut alors jugé trop indépendantiste par le régime allemand qui l’arrêta le 5 juillet 1941 et l’enferma dans le camp de concentration de Sachsenhausen. L’arrestation de Stepan Bandera n’arrêta pas l’UPA qui poursuivit les massacres de populations juives même en 1942. Ils visèrent principalement les minorités polonaises de la région de la Volhynie, au nord-ouest de l’Ukraine. En 1944, Stepan Bandera fut libéré et se tourna de nouveau vers l’Allemagne nazie pour tenter, une nouvelle fois, de chasser les soviétiques du pays et de regagner son indépendance.

            Cependant, si certains collaborent encore avec les Allemands sous différents motifs (antisoviétisme, nationaliste, antisémitisme…), d’autres prennent les armes et s’engagent dans l’Armée rouge. Pour Volodymyr Viatrovytch et Anastasiia Marouchevska, ils auraient représenté jusqu’à 23% des effectifs de l’Armée rouge.

            Aujourd’hui, la politique mémorielle de l’Ukraine, s’inscrit dans la continuité des remises en question de la mémoire de la Grande Guerre Patriotique proposée par la Russie.

            Dans la législation, il n’existe actuellement pas de lois mémorielles punitives, malgré les nombreuses tentatives pour en introduire. On relève plusieurs projets de lois, notamment celles de criminaliser la négation de l’Holodomor de 1932-1933 et de la Shoah, de l’idéologie communiste et des crimes nazis et communistes. Mais également la tentative d’interdiction de la propagande du fascisme et de la « réhabilitation des criminels nazis et de leurs complices ». Le parlement ukrainien n’a pas adopté ces mesures[29]. En 2014, les partisans du président pro-russe Viktor Ianoukovytch ont forcé le Parlement à adopter une série de « lois dictatoriales », dont en particulier la « loi Symonenko ». Celle-ci, proposée par le parti communiste, a prohibé la négation des crimes nazis, et contrairement aux autres loi dictatoriales, abrogées après leur adoption, cette loi est restée en vigueur jusqu’en 2015. Cette même année, le Parlement ukrainien a adopté des lois de « décommunisations »[30], sans qu’elles soient punitives.

            On peut également entrevoir une partie de l’opposition de la mémoire ukrainienne à la mémoire russe, à travers le site internet war.ukraine.ua, administré par l’ONG Brand Ukraine. Créé en coopération avec le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine et cofinancé par l’Union Européenne, le gouvernement britannique et l’agence des Etats-Unis pour le développement international, il propose un article intitulé « L’Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale : le Mythe de la Grande Guerre Patriotique »[31]. Cet article illustre parfaitement cette opposition à la politique mémorielle russe.

            Les auteurs débutent en affirmant que la Russie « continue de manipuler l’histoire dans laquelle l’Ukraine a joué un rôle essentiel, pourtant négligé par le monde et falsifié par la propagande du Kremlin. » et se proposent alors de raconter à leurs lecteurs la vérité. Ils critiquent de nombreux points de l’histoire fictive russe. Tout d’abord, ils affirment que l’Ukraine luttait contre « deux ennemis à la fois » lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne nazie, et le régime stalinien. Ils rappellent également les effets dévastateurs de l’Holodomor de 1932-1933, ainsi que la Grande Terreur de 1937-1938, et pointent du doigt la responsabilité du gouvernement soviétique. Ils mettent également en lumière les pertes ukrainiennes lors de la guerre, notamment lors du « génocide des Tatars de Crimée » de 1944, reconnu comme tel par le Parlement ukrainien. Les auteurs ne reconnaissent pas clairement la collaboration de l’OUN-B au régime allemand et parlent en ces termes :

« le mouvement de libération ukrainien a été qualifié dans un premier temps de fasciste, puis de nazi. Cette affabulation de la collaboration des Ukrainiens avec les nazis, selon lequel les nationalistes ukrainiens étaient des agents de l’Abwehr et certaines unités militaires faisaient partie de la Wehrmacht et de la Gestapo, peut être considéré comme un prétexte à l’invasion moderne de l’Ukraine par la Russie. »

Ils refusent donc de reconnaître la collaboration, et parlent davantage de « résistance anticommuniste » que de collaboration. Ils font, à travers cet article, de l’Union Soviétique, l’ennemi principal des Ukrainiens lors de la guerre. Ils expliquent les agissements des nationalistes comme suit :

« En réalité, l’objectif de l’OUN (Organisation des Nationalistes Ukrainiens) était l’indépendance de l’Ukraine. Les convergences avec l’Allemagne répondaient plus à des contraintes situationnelles qu’à des objectifs géopolitiques. Pour obtenir l’indépendance, les forces ukrainiennes devaient vaincre l’Armée rouge à l’est en utilisant les ressources militaires de la Wehrmacht allemande. »

La recherche de l’indépendance sert à légitimer les actions des nationalistes. Ils insistent donc sur la falsification de l’histoire par l’Union Soviétique, et par le gouvernement Russe actuel.

            Ils dénoncent également l’occultation des crimes commis par le régime communiste, comme «la destruction du centre-ville de Kyiv, l’incendie d’églises ou les massacres de civils », mais également l’usage du terme de « libération » des pays Baltes et des territoires de l’Europe de l’Est, leur préférant les termes de « dictature soviétique » et de « politique tyrannique dans les territoires occupés »

            En ce qui concerne Stepan Bandera, il est célébré en tant que « héros » nationaliste L’ancien président pro-russe Viktor Ianoukovitch lui avait décerné le titre de « héros de l’Ukraine » en 2010. Par la suite, après le renversement de d’Ianoukovitch[32], Bandera a été considéré comme un héros résistant aux soviétiques et symbole de l’indépendance Ukrainienne[33]. Tous les premiers janvier des commémorations sont organisées en l’honneur de sa naissance, et ce, encore aujourd’hui, la dernière ayant eu lieu en 2023. Pour Galia Ackerman, il s’agit là d’un « phénomène de mémoire sélective[34] », Stepan Bandera étant avant tout présenté comme anti-polonais et anti-russe, beaucoup n’ont pas conscience de l’étendue de sa collaboration avec le régime nazi[35]. En bref, la mémoire Ukrainienne de la Seconde Guerre mondiale s’oppose clairement à celle proposée par la Russie. Elle dénonce les crimes commis par les soviétiques et cherche à occulter sa collaboration.

II- Une bataille mémorielle

            Vladimir Poutine a mis en place tout un argumentaire, mobilisant la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, plus particulièrement celle de la victoire de l’URSS lors de la Grande Guerre Patriotique sur le régime nazi. Le Kremlin a alors accusé l’Ukraine, à plusieurs reprises, d’être un gouvernement néonazi. L’Ukraine, quant à elle, s’est défendue et a accusé à son tour la Russie.

A-   Le discours Russe

            La Russie mobilise deux arguments principaux dans ses discours contre l’Ukraine. Elle affirme tout d’abord que l’Ukraine aurait perpétré un « génocide »[36] dans le Donbass contre ses populations russophones. Or, d’après la définition, le génocide est « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Malgré les nombreux morts qu’a entraîné la guerre dans le Donbass, il ne s’agit pas là d’un génocide. L’objectif est, selon Cécile Vaissié, de « marquer les esprits » et de « justifier son agression ». Poutine complète ces accusations en parlant de « russophobie » et de lois « anti-russes »[37].

            L’autre argument mobilisé est celui du retour du nazisme en Europe, plus particulièrement en Ukraine. Poutine mentionna à plusieurs reprises la « crasse nazie »[38] en Ukraine, contre laquelle le Donbass se battait, et il a également déploré le fait que « le nazisme relève à nouveau la tête ». Le chef du Kremlin n’a pas attendu le conflit actuel pour mobiliser ces arguments. La prise de la Crimée a également été justifiée de la même manière. Les chaînes de télévision russes affirmaient que «des trains et des bus remplis de néonazis ukrainiens sont sur le point d’arriver dans le Donbass pour pratiquer une extermination de russophones », d’après Anna Colin Lebedev[39]. Les études de Jade McGlynn[40] montrent que la couverture médiatique russe lors de l’annexion de la Crimée, dépeignait les Ukrainiens non seulement comme des collaborateurs mais également comme des nazis à part entière. Ce premier travail de réécriture des faits effectué par la Russie lors de la guerre au Donbass a facilité la propagande faite avant et pendant le conflit actuel avec l’Ukraine. En effet, la Russie poursuit aujourd’hui ces mêmes accusations et appuie ses arguments non seulement sur les commémorations de Stepan Bandera[41], que le gouvernement Russe reconnaît comme collaborateur, contrairement, on l’a vu, à l’Ukraine ; mais également sur la présence du bataillon Azov. Cette unité militaire, créée en 2014, est soupçonnée d’être composée de néo-nazis, car les membres la composant originellement étaient d’extrême droite et arboraient souvent des tatouages de croix gammées. De plus, leur emblème est composé des écussons d’une division SS[42].

            Face, non seulement à ce génocide, mais au retour du nazisme, Poutine n’hésite pas à rappeler dans ses nombreuses allocutions, la victoire originelle de l’URSS sur le régime nazi, se dressant ainsi comme la seule véritable puissance antinazie. « Aujourd’hui, le devoir commun est d’empêcher la renaissance du nazisme, qui a causé tant de souffrances aux peuples de différents pays », a annoncé Vladimir Poutine lors de ses vœux du 8 mai 2022. Il transforme la lutte contre le nazisme en un véritable « devoir sacré » qui incombe au vainqueur de la Seconde Guerre Mondiale. Cela légitime alors son « opération spéciale » de « dénazification » de l’Ukraine, lancée en février 2022. Il n’a de cesse dans ses discours de se référer à la Grande Guerre Patriotique. Ainsi il affirme en 2022, quelques mois après l’attaque de l’Ukraine, que :

 « Nous sommes fiers de la génération invaincue et vaillante des vainqueurs, dont nous sommes les descendants, et il est de notre devoir de préserver la mémoire de ceux qui ont vaincu le nazisme et qui nous ont légué le devoir d’être vigilant et de tout faire afin que l’horreur d’une guerre mondiale ne se reproduise plus ».

Encore une fois on retrouve ici le terme de « devoir », inscrivant l’attaque comme un impératif sacré. Plus loin il avance également que la Russie :

« a toujours prôné la création d’un système de sécurité indivisible et juste, un système qui est vital pour l’ensemble de la communauté mondiale. »

En instrumentalisant l’histoire, la Russie cherche à rappeler son rôle comme acteur mondial mais également légitimiser cette place qu’elle tient farouchement depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

            La Russie fait reposer sa stratégie de propagande actuelle sur deux éléments. Tout d’abord on retrouve la diffusion en masse et la multiplication des discours de propagande. L’étude du New York Times de Charlie Smart[43] met en évidence la prolifération des articles sur l’Ukraine mentionnant le nazisme après le début de l’invasion en février 2022[44]. On observe des pics de production récurrents lors des journées de commémoration de la victoire de l’URSS, mais le début du conflit actuel marque une véritable rupture en termes de production. En février 2022, ce sont plus de 2000 articles qui ont été comptabilisés par Semantic Vision, qui traitaient de l’Ukraine et du nazisme. Toujours d’après la même étude, la part d’articles, sur l’Ukraine, issus des médias russes, et faisant mention du nazisme, représente entre 0 et 10% des articles comptabilisés entre le 1er janvier 2020 et le 24 février 2022. De nouveau, des pics peuvent être observés lors des grandes commémorations, et la date de début de l’invasion marque une véritable rupture. La part d’articles russes, mêlant Ukraine et nazisme, s’élève à presque 20%, dépassant même la barre des 20% quelque peu après l’invasion, avant de diminuer et de se stabiliser autour de 10%. Pour le Dr. Veidlinger, la clé du succès de la propagande russe serait dans la répétition du récit. En outre, ce ne sont pas que les articles qui perpétuent ce récit, ce sont également les chaînes de télévision, contrôlées par l’Etat, les discours officiels, comme on l’a vu, et les enseignements délivrés aux jeunes de la nation[45].

            L’autre élément sur lequel repose la propagande est d’ordre moral. On remarque tout d’abord que l’emploi du terme de « génocide » a ravivé un « passé traumatisant pour l’Ukraine[46] ». La propagande cherche avant tout à jouer avec les sentiments, aussi bien des Ukrainiens que des Russes. Les constantes références à la Grande Guerre Patriotique touchent toutes les familles russes, car elles ont toutes été endeuillées pendant cette période. Poutine s’appuie alors sur les traumatismes hérités de cette époque pour réécrire le passé et mobiliser sa population.

            En bref, la mobilisation de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de la victoire de l’URSS contre le nazisme permet à Poutine de légitimer son action en Ukraine. Pour ne donner qu’un exemple concret, le 10 mars, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, a justifié le bombardement d’une maternité à Marioupol en affirmant qu’un « bataillon Azov et d’autres radicaux » y étaient cachés.

B-   La contre-attaque ukrainienne

            Face aux nombreuses accusations de la Russie, l’Ukraine s’est engagée dans une véritable bataille mémorielle. Tout d’abord, elle a démenti les dires du Kremlin.

            En ce qui concerne les commémorations de Stepan Bandera, bien que le président Zelensky ait affirmé dans une interview donnée à RBC-Ukraine, qu’il était « normal et cool [47]» de célébrer la mémoire de Bandera, car il est « un héros indéniable ». En revanche, il s’est, à plusieurs reprises, écarté des célébrations. Il a notamment renvoyé Volodymyr Viatrovytch, l’ancien directeur de l’Institut de la mémoire nationale, responsable de la diffusion du culte de Bandera[48]. Nombreux sont ceux qui rappellent par ailleurs que les commémorations servent principalement à mettre en lumière un « héros de l’indépendance »[49]. Certains spécialistes appellent même à ne pas regarder ces commémorations avec « nos yeux d’Occidentaux[50] » et appellent à recontextualiser ces célébrations. En effet, pour Adrien Nonjon, « l’Ukraine est une jeune nation qui n’a jamais eu l’occasion de se construire sur le long terme[51] », d’après lui toujours face à l’attaque de la Russie, ils n’ont fait que chercher à mobiliser des symboles fort d’unité et d’indépendance. On peut toutefois nuancer ces propos car les célébrations n’ont pas attendu les attaques russes. En outre la quête d’indépendance de Bandera s’est tout de même soldée par la collaboration de centaines d’Ukrainiens et la participation de l’OUN-B au génocide. Outre le fait que les Ukrainiens n’ont jamais donné la majorité à l’extrême droite[52], Zelensky a rappelé ses origines juives et la participation de ses ancêtres à la guerre au sein de l’armée soviétique. Il cherche alors à prouver qu’il n’est pas un héritier d’un régime collaborateur et nazi[53].

            Les attaques de Moscou portaient également sur l’existence de la brigade Azov. La brigade a été créée en mai 2014 par des volontaires d’extrême droite, après les manifestations de l’Euromaïdan. L’un des fondateurs de la brigade, Andreï Bilesky[54] faisait partie de l’organisation paramilitaire ultranationaliste Patriotes d’Ukraine, dont l’une des missions est la « purification raciale de la nation »[55]. Malgré les flagrantes références iconographiques au régime nazi, les fondateurs de la brigade ont défendu leur blason affirmant qu’ils font surtout référence à la mythologie nordique. En outre, l’historien Viatcheslav Likhatchev affirme que la composition de la brigade, à sa création, était plus hétérogène qu’on ne le croit, réunissant extrême droite et anarchistes[56]. Malgré ses accusations de violations des droits de l’Homme par les séparatistes pro-russe lors de la guerre du Donbass et par des « ONG occidentales »[57], le régiment a non seulement été incorporé dans la garde nationale à la suite des accords de Minsk en 2014, mais il a également été mobilisé lors de l’invasion de l’Ukraine en 2022, et compte aujourd’hui plusieurs milliers de volontaires parmi ses rangs. En revanche, à partir de son intégration dans la garde nationale, la brigade aurait subi une forme de dépolitisation[58]. D’après Adrien Nonjon, leur intégration à la garde nationale a grossi leurs rangs, notamment avec des Ukrainiens dépolitisés. De plus, Andreï Bilestsky, une fois à la tête du parti politique d’extrême droite, serait revenu sur ses propos radicaux. Pour le gouvernement ukrainien il ne s’agit donc pas d’un bataillon de néonazis. Cependant, d’après l’enquête de Carla Monaco et d’Alexandre Horn, certains membres des canaux d’échanges de la brigade auraient partagé des messages contenant « Heil Hitler » ou encore « Sieg Heil », des slogans nazis[59]. Il existe encore d’autres exemple de la présence de néonazis au sein de la brigade, cependant, les conclusions des études proposées par différents experts affirment que l’appartenance idéologique n’est pas le seul moteur d’adhésion au groupe. Cela est-il suffisant pour contrer les arguments russes ? Il semble que l’Ukraine décide de nouveau d’appliquer un système de sélection de la mémoire, choisissant d’occulter la présence de néonazis dans la brigade, au profit de leur bravoure et de leurs valeurs nationalistes.

            Enfin, les Ukrainiens ont rétorqué en accusant Vladimir Poutine de s’entourer lui-même de néonazis. Ils ont notamment fait référence à Dmitri Outkine, ancien officier des forces spéciales du GRU et fondateur du groupe paramilitaire Wagner, avant sa mort. Non seulement cet homme a été accusé de crimes de guerre après son intervention en Syrie aux côtés des forces de Bachar-al-Assad[60], il est surtout connu pour « vouer un culte » à Hitler. Il aurait choisi le nom de Wagner pour le groupe paramilitaire, en référence à Richard Wagner, compositeur favori d’Hitler[61], il était également couvert de tatouages faisant référence au IIIe Reich[62]. Malgré tout, Outkine a été médaillé par Vladimir Poutine après ses opérations en Syrie. Aujourd’hui, ces arguments ne sont plus d’actualité puisqu’Outkine est décédé. La relation entre le groupe Wagner et Moscou a également été remise en question, notamment après la rébellion du groupe paramilitaire en juin 2023.

             En outre, Volodomyr Zelensky a comparé l’invasion de l’Ukraine à celle de la Pologne par l’Allemagne nazie en 1939. Il a, lui aussi, tenté de mobiliser un argumentaire se référant aux mémoires de la Seconde Guerre Mondiale, on pense par exemple, à ses références au massacre d’Oradour-sur-glane et aux pendus de Tulle[63]. Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE, a même accusé Poutine et la Russie « de se comporter comme les nazis »[64]. On retrouve donc ici, dans le camp ukrainien, une critique des actions Russes, qui sont mises en parallèle avec celles de l’Allemagne nazie. Le gouvernement Russe a d’ailleurs répondu à ces accusations, à travers une déclaration du Ministère russe des Affaires étrangères. Ils dénoncent le fait que ces accusations soient « hypocrites[65] », et que l’UE soutienne le « régime néonazi de Kiev[66] ». Enfin, ils ont annoncé que :

Il se joue alors un jeu de ping-pong entre les deux nations, qui n’ont de cesse de s’accuser l’une l’autre de s’apparenter au nazisme. On notera également que la suite de la déclaration du ministère russe des Affaires Etrangères, réitère les arguments déjà exposés plus haut notamment ceux concernant la victoire de la Russie, seule véritable puissance antihitlérienne, héritière de l’URSS, face au nazisme.

Conclusion

             Ainsi la Russie, qui a joué un rôle indéniable dans la victoire contre le nazisme, mobilise depuis tout un argumentaire pour légitimer ses actions, notamment en ce qui concerne ses incursions en Ukraine. Poutine, à travers sa politique mémorielle actuelle, cherche notamment à reconstruire la « puissance perdue de l’empire russe de l’Union soviétique[67] ».

              En ce qui concerne l’Ukraine, accusée par Moscou d’être un régime néonazi, elle a également cherché à réécrire son histoire en mettant au point une mémoire sélective qui s’oppose à celle de la Russie. Aujourd’hui, les deux nations n’ont de cesse de se renvoyer les accusations de complicité avec des nazis.

             On peut alors se demander quels effets ont eu la propagande russe, en Russie. D’après Jade McGlynn, la réécriture historique opérée par Moscou et Vladimir Poutine s’appuie en vérité sur « un véritable appétit du public pour une histoire plus patriotique[68] ». Elle considère l’approche du Kremlin comme étant « dialogique[69] » avec les besoins et les demandes de la société, de telle sorte que ces narratifs ne sont pas imposés aux dépens des perceptions du public. Ces discours ont permis au Kremlin de créer une « identité russe cohérente à partir du passé[70] », autrement dit, de mettre en place « l’idée russe »[71], l’identité russe postsoviétique. Celle-ci permet d’ailleurs de légitimer le présent.  On remarque par exemple qu’en 2014, Poutine avait reçu le soutien de sa population lors de l’annexion de la Crimée. En revanche, l’opinion de Vera Ageeva diverge de celle de Jade McGlynn. Ageeva affirme qu’aujourd’hui « les Russes sont plus conscients de la façon dont le Kremlin et ses médias peuvent les manipuler, ils savent qu’il n’y a pas de génocide [des russophones dans le Donbass], pas de preuves[72] »[73].

             A l’ouest, les discours de Poutine ne font pas l’unanimité. Les spécialistes, comme Dominique Ariel, considèrent que les arguments du Kremlin sont « totalement déconnectés de la réalité[74] ». Beaucoup parlent même « d’absurdités[75] ». Par ailleurs, pour le sociologue Damian Tabarovsky, la propagande russe a eu l’effet inverse à celui escompté[76]. En effet, les attaques acharnées sur l’Ukraine, associées à une réécriture flagrante[77] de l’histoire, ont finalement renforcé la réputation de l’Ukraine. En outre, pour Frédéric Crahay, l’ouest voit clairement à travers la propagande russe la volonté de Moscou d’éclipser son propre « fascisme »[78].

            Enfin, on notera qu’en parallèle de cette bataille mémorielle, les historiens dénoncent surtout la banalisation de la Shoah que celle-ci entraîne. En effet, on note une déformation du langage et une banalisation des termes tels que « génocide » ou encore « fascisme », qui représentent un véritable danger pour la société[79].


[1] Vladimir POUTINE, Discours tenu au Kremlin à Moscou, le 24 février 2022, Revue Politique et Parlementaire, 24 février 2022.

[2] Gorbatchev qui avait été élu président de l’URSS au suffrage indirect, en mars 1990.

[3] Premier président de l’Ukraine.

[4] Président Biélorusse.

[5] Ont signé : la Russie, la Biélorussie, la Moldavie, l’Ukraine, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan, et Géorgie.

[6] Article premier de la CEI, cité dans Charlotte CHAULIN, « Qu’est ce que la Communauté des Etats indépendants (CEI) et à quoi sert-elle ? », GEO, 27 octobre 2022.

[7] Sylvie KAUFFMAN, Les Aveuglés, Comment Berlin et Paris ont laissé la voie libre à la Russie, Stock, octobre 2023.

[8] Sud Ouest, « Ukraine : des soldats russes à la frontière aux menaces de Biden, retour sur trois mois d’escalade », SudOuest.fr, 24 janvier 2022.

[9] Le pacte germano-soviétique contenait un protocole secret, rendu public en 1989, qui organisait le partage de l’Europe de l’Est entre les deux puissances.

[10] Marlène LARUELLE, « L’idéologie comme instrument du soft power russe. Succès, échecs et incertitudes », Hérodote, vol. 166-167, n° 3-4, 2017, p.23-35.

[11] Ibid.

[12] Andreï KOZOVOÏ, Brejnev, L’antihéros, Perrin, 2021.

[13] Nicolas WERTH : « Il fallait bien que Brejnev innove. C’est cela, sa grande innovation : l’unité du peuple, du parti et de l’armée. », dans Florent GEORGESCO, « Le mythe russe de la Grande Guerre Patriotique et ses manipulations », Le Monde, 29 avril 2022.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Korine AMACHER, Eric AUNOBLE, Andrii PORTNOV, Histoire partagées, mémoires divisées, Antipodes, 2021, p394.

[17] Jutta SCHERRER, « Anciens/Nouveaux lieux de mémoire en Russie », Outre-Terre, vol. 19, n°2, 2007, p. 187-194.

[18] Edouard HESSE, « Comment Poutine manipule l’histoire de la Russie pour parvenir à ses fins », Slate.fr, 29 juin 2023.

[19] Extrait du discours de Vladimir Poutine, cité dans Florent GEORGESCO, « Le mythe russe de la Grand Guerre patriotique et ses manipulations »… art. cit.

[20] Ibid.                                                                                                   

[21] Jutta SCHERRER, « Anciens/Nouveaux lieux de mémoire en Russie », art. cit.

[22] Citée dans Florent GEORGESCO, « Le mythe russe de la Grand Guerre patriotique et ses manipulations »… art. cit.

[23] Alain Blum dans Florent GEORGESCO, « Pour Poutine, les questions mémorielles sont plus centrales que jamais », Le Monde, 15 décembre 2021.

[24] Jutta SCHERRER, « Anciens/Nouveaux lieux de mémoire en Russie », art. cit.

[25] Ibid.

[26] La nouvelle de la capitulation de la Wehrmacht le 8 est parvenu à Moscou le 9, à cause du décalage horaire.

[27] Pour Sergei Fediuninle mot « nazisme » renvoie en Russie, à la figure du « Mal absolu ». Cf. Claire TERVE, « Ukraine : d’où vient l’argumentaire de la Russie sur les « nazis ukrainiens » ? », Huffingtonpost, 7 avril 2022.

[28] Nicolas BERNARD, « XX. « Que feras-tu après la guerre ? » », La Guerre germano-soviétique. 1941-1945, Tallandier, 2013, p. 581-604.

[29] Korine AMACHER, Eric AUNOBLE, Andrii PORTNOV, Histoire partagées, mémoires divisées, Antipodes, 2021, p396.

[30] Ces lois interdisent l’usage des symboles nazis et communistes, le négationnisme des crimes commis par les nazis et par les communistes ainsi que le manque de respect à l’égard des participants à la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine, même ceux ayant participé à la collaboration.

[31] Anastasiia MAROUCHEVSKA, « L’Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale : le Mythe de la Grande Guerre Patriotique », war.ukraine.ua, 8 mai 2022.

[32] Laurent GESLIN, Sébastien GOBERT, « Ukraine, jeux de miroirs pour les héros troubles », Révisionnisme au service des nationalistes en Europe centrale et orientale, Le Monde diplomatique, décembre 206, p.23.

[33] Delphine BECHTEL, « Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010) », Écrire l’histoire, n°10, 2012, p.47-56.

[34] Simon PETITE, Galia ACKERMAN, «En Ukraine, personne ne commémorera le 9 mai, à part sous la contrainte» , Le Temps, 5 mai 2022.

[35] Quang PHAM, « Guerre en Ukraine : quatre questions sur Stepan Bandera,… art. cit.

[36] Expression utilisée dans le discours de Vladimir Poutine du 21 février, discours de reconnaissance officielle des territoires séparatistes du Donbass.

[37] Il fait référence à la loi qui impose la langue ukrainienne dans les administrations et les médias mais qui n’empêche pas de parler le russe.

[38] Extrait du discours de Vladimir Poutine cité dans Nicolas POINCARE, « Pourquoi Vladimir Poutine accuse-t-il toujours l’Ukraine d’être un pays nazi ? », BFM RMC, 10 mai 2022.

[39] Citée dans Elise LAMBERT, « « Génocide », « dénazification »… Comment Vladimir Poutine réécrit l’histoire pour justifier la guerre en Ukraine », franceinfo, 24 février 2022.

[40] Jade MCGLYNN, Memory Makers : The Politics of the Past in Putin’s Russia, Bloomsbury Academic, 2023.

[41] Carole GRIMAUD-POTTER citée dans Elise LAMBERT, « « Génocide », « dénazification »…art.cit.

[42] Voir annexe n°1.

[43] Charlie SMART, « Hox the Russian Media Spread False Claims About Ukrainian Nazis », The New York Times, 2 juillet 2022.

[44] Voir annexes n°2a et 2b.

[45] Jade MCGLYNN, Memory Makers : The Politics of the Past in Putin’s Russia,op. cit.

[46] Carole GRIMAUD-POTTER citée dans Elise LAMBERT, « « Génocide », « dénazification »…art.cit.

[47] Vladislav KRASINSKI, Serhiy SHCHERBINA, « Владимир Зеленский: Нам выгодно распустить Раду, но будем думать и поступать по закону », rbc.ua, 18 avril 2019 ; Unian Info, « Zelensky on Bandera: Ukrainians should also praise modern day heroes », unian .info, 18 avril 2019.

[48] Delphine BECHTEL, « Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010) », …art. cit.

[49] Céline LUSSATO, « « Dénazifier l’Ukraine, c’est une ineptie ! Où sont les nazis ? » », L’Obs, 22 mars, 2022 ; François-Guillaume LORRAIN, « Bandera, ce héros ukrainien controversé », Le Point, 28 mars 2022.

[50] Adrien Nonjon cité dans Hugues MAILLOT, « Y a-t-il vraiment des «nazis» en Ukraine, comme l’affirme Vladimir Poutine ? », Le Figaro, 23 mars 2022.

[51] Ibid.

[52] Par exemple, en 2019, l’extrême droite n’a remporté que 1,6% des voix contre 73% pour Zelenski ; Charlie SMART, « Hox the Russian Media Spread False Claims About Ukrainian Nazis »,… art. cit.

[53] Frédéric CRAHAY, « L’invasion russe de l’Ukraine et les abus de la mémoire », Témoigner. Entre histoire et

Mémoire, 2022 ; Florent GEORGESCO, « Le mythe russe de la Grande Guerre Patriotique et ses manipulations », art. cit.

[54] Claire TERVE, « Ukraine : d’où vient l’argumentaire de la Russie sur les « nazis ukrainiens »? », Huffpost, 7 avril 2022.

[55] Carla MONACO, Alexandre HORN, « Quelle est l’importance du régiment Azov, cette unité ukrainienne fondée par des proches de la mouvance néonazie ? », Libération, 8 mars 2022.

[56] Ibid.  

[57] Les Echos, « Guerre en Ukraine : les faits marquants du mardi 17 mai », LesEchos, 17 mai 2022.

[58] Claire TERVE, « Ukraine : d’où vient l’argumentaire de la Russie sur les « nazis ukrainiens »? »… art. cit.

[59] Carla MONACO, Alexandre HORN, « Quelle est l’importance du régiment Azov,… art. cit.

[60] Extrait du gel des avoir de Dimitry UTKIN : « Dimitriy Utkin, ancien officier du renseignement militaire russe (GRU), est le fondateur du groupe Wagner et est chargé de coordonner et de planifier des opérations de déploiement des mercenaires du groupe Wagner dans différents pays. Dans l’exercice de sa fonction de commandement au sein du groupe Wagner, il est responsable de graves atteintes aux droits de l’homme commises par le groupe, dont des actes de torture ainsi que des exécutions et assassinats extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Cela inclut la torture jusqu’à la mort d’un déserteur syrien par quatre membres du groupe Wagner en juin 2017 dans le gouvernorat de Homs, en Syrie. Selon un ancien membre du groupe Wagner, Dimitriy Utkin a personnellement ordonné que le déserteur soit torturé à mort et que l’acte soit filmé. », Gel des avoirs, Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Direction générale du Trésor.  

[61] Guillaume MALAURIE, « Poutine, Zelinsky : le ping-pong du nazisme », Challenges, 1 juin 2023.

[62] Andrea PEREZ, « « Fondateur de Wagner », fasciné par le nazisme, bras droit de Prigojine… Qui était Dmitri Outkine, décédé dans le crash d’avion ? », L’indépendant, 24 août 2023.

[63] Samuel Chassaigne, « Guerre en Ukraine. Volodymyr Zelensky évoque Oradour-sur-Glane : pour Robert Hébras, un sentiment de déjà vu », France info, 9 mai 2022.

[64] Maëlane LOAEC, « Guerre en Ukraine : pourquoi Vladimir Poutine affirme-t-il que des « néonazis » sont au pouvoir à Kiev ? », TF1 Info, 25 février 2022 ; La Rédaction avec AFP, « Poutine «se comporte comme les nazis», dénonce Josep Borrell, porte-parole de l’UE », parismatch.com, 25 février 2022.

[65] Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Déclaration du Ministère russe des Affaires étrangères en rapport avec les propos du chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell comparant la politique des États-Unis et de leurs alliés envers Moscou aux actions d’Adolf Hitler, 21 janvier 2023.

[66] Ibid.

[67] Kastoueva-Jean TATIANA (dir.), « Mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans la Russie actuelle », Russie.Nei.Reports, n° 31, IFRI, juin 2020 ; Emilia KOUSTOVA, « La mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Russie », MemorialFrance.org, 1er juillet 2020.

[68] Edouard HESSE, « Comment Poutine manipule l’histoire de la Russie pour parvenir à ses fins », … art. cit.

[69] Ibid.

[70] Jade MCGLYNN, Memory Makers : The Politics of the Past in Putin’s Russia,op. cit.

[71] Jutta SCHERRER, « Anciens/Nouveaux lieux de mémoire en Russie », art. cit.

[72] Kastoueva-Jean TATIANA (dir.) , « Mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans la Russie actuelle », … art. cit. ; Emilia KOUSTOVA, « La mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Russie », … art. cit.

[73] Elise LAMBERT, « Crise Russie-Ukraine : comment la politique de Vladimir Poutine est-elle perçue par la population russe ? », France info, 22 février 2022.

[74] Agnès GRUDA, « L’Ukraine, un pays qui n’existe pas aux yeux de Vladimir Poutine », La Presse, 26 février 2022.

[75] Florent GEORGESCO, « Le mythe russe de la Grande Guerre Patriotique et ses manipulations »,… art. cit.

[76] Robert FARLEY, « The Facts on ‘De-Nazifying’ Ukraine », FactCheck.org, 31 mars 2022.

[77] On notera toutefois que nous avons ici une vision occident-centrée de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale. L’Ouest refuse de laisser la Russie, ou plus précisément l’URSS, porter seule le poids de la victoire contre le nazisme, ce que la Russie remet aujourd’hui en question.

[78] Frédéric CRAHAY, « L’invasion russe de l’Ukraine et les abus de la mémoire », …art. cit.

[79] Ibid.


Annexes:

Annexe n°1 : Détails de l’écusson du bataillon Azov

Annexe n°2a : Graphique mettant en évidence la quantité d’articles russes concernant l’Ukraine, et qui mentionnent le nazisme, tiré de Charlie SMART, « Hox the Russian Media Spread False Claims About Ukrainian Nazis », The New York Times, 2 juillet 2022, URL : https://www.nytimes.com/interactive/2022/07/02/world/europe/ukraine-nazis-russia-media.html

Russian articles about Ukraine that mention nazism

Annexe n°2b : Graphique mettant en évidence la part d’articles russes concernant l’Ukraine, et qui mentionnent le nazisme, tiré de Charlie SMART, « Hox the Russian Media Spread False Claims About Ukrainian Nazis », The New York Times, 2 juillet 2022, URL : https://www.nytimes.com/interactive/2022/07/02/world/europe/ukraine-nazis-russia-media.html


Bibliographie :

AMACHER Korine, AUNOBLE Eric, PORTNOV Andrii, Histoire partagées, mémoires divisées, Antipodes, 2021.

AMACHER, Korine, « History textbooks in Russia (1992-2019) : Between multisided and imperial perspectives », Official History in Eastern Europe. Transregional Perspectives, Osnabrück, Editions Fibre, 2020.

AMACHER, Korine, BERELOWITCH Wladimir (dir.), Histoire et mémoire dans l’espace postsoviétique. Le passé qui encombre, Louvain-la-Neuve, Academia, 2013.

AUNOBLE Eric, « Choc de mémoires et conflit de récits », Ukraine l’engrenage, Le Monde diplomatique, avril 2022, p.14-15.

BECHTEL Delphine , « Mensonges et légitimation dans la construction nationale en Ukraine (2005-2010) », Écrire l’histoire, n°10, 2012, p.47-56, URL : https://journals.openedition.org/elh/199

BERNARD Nicolas, « XX. « Que feras-tu après la guerre ? » », La Guerre germano-soviétique. 1941-1945, Tallandier, 2013, p. 581-604.

CHASSAIGNE Samuel, « Guerre en Ukraine. Volodymyr Zelensky évoque Oradour-sur-Glane : pour Robert Hébras, un sentiment de déjà vu », France info, 9 mai 2022,  URL : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/guerre-en-ukraine-volodymyr-zelensky-evoque-oradour-sur-glane-pour-robert-hebras-un-sentiment-de-deja-vu-2539176.html

CHAULIN Charlotte, « Qu’est ce que la Communauté des Etats indépendants (CEI) et à quoi sert-elle ? », GEO, 27 octobre 2022, URL : https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-que-la-communaute-des-etats-independants-cei-et-a-quoi-sert-elle-212334

COUDERC Martine. « Chronologie : CEI 1991-2002 », Outre-Terre, vol. no 4, no. 3, 2003, p. 296-315.

CRAHAY Frédéric, « L’invasion russe de l’Ukraine et les abus de la mémoire », Témoigner. Entre histoire et Mémoire, 2022, URL : https://journals.openedition.org/temoigner/10790

EUVE François, « Russie et Ukraine : divergence de deux sociétés », Études, vol. , no. 1, 2023, p. 7-18.

FARLEY Robert, « The Facts on ‘De-Nazifying’ Ukraine », FactCheck.org, 31 mars 2022, URL : https://www.factcheck.org/2022/03/the-facts-on-de-nazifying-ukraine/

FEDIUNIN Jules Sergei, « Marlène Laruelle. Is Russia Fascist ? Unraveling Propaganda East and West Ithaca, Londres, Cornell University Press, 2021, VII-256 pages. », Critique internationale, vol. 97, no. 4, 2022, p. 169-174.

FOXALL Andrew, From Evropa to Gayropa : A Critical Geopolitics of the European Union as Seen from Russia, Geopolitics, 2019, p.174-193.

France Info, « Qui était Dmitri Outkine, le bras droit d’Evguéni Prigojine qui se trouvait avec lui à bord de l’avion qui s’est écrasé près de Moscou ? », France info, 24 août 2023, URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/mort-d-evgueni-prigojine/qui-etait-dmitri-outkine-le-bras-d-evgueni-prigojine-qui-se-trouvait-avec-lui-a-bord-de-l-avion-qui-s-est-ecrase-pres-de-moscou_6022925.html

GEORGESCO Florent, « Le mythe russe de la Grand Guerre patriotique et ses manipulations », Le Monde, 29 avril 2022 ? URL : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/29/le-mythe-russe-de-la-grande-guerre-patriotique-et-ses-manipulations_6124127_3232.html

GEORGESCO Florent, « Pour Poutine, les questions mémorielles sont plus centrales que jamais », Le Monde, 15 décembre 2021, URL : https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/12/15/pour-poutine-les-questions-memorielles-sont-plus-centrales-que-jamais_6106176_3260.html

GESLIN Laurent, GOBERT Sébastien, « Ukraine, jeux de miroirs pour héros troubles », Le Monde diplomatique, décembre 2016, URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/GESLIN/56918

GOLINKIN Lev, « Secretary Blinken faces a big test in Ukraine, where nazis and their sympathizers are glorified », The Nation, New York, 6 mai 2021, URL : https://www.thenation.com/article/world/blinken-holocaust-ukraine/

GOUJON Alexandra. « « La Seconde Guerre mondiale a été particulièrement meurtrière en Ukraine. » », , L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre. Nouvelle édition revue et augmentée, sous la direction de Goujon Alexandra. Le Cavalier Bleu, 2023, p. 41-48.

GRUDA Agnès, « L’Ukraine, un pays qui n’existe pas aux yeux de Vladimir Poutine », La Presse, 26 février 2022, URL : https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-02-26/decryptage/l-ukraine-un-pays-qui-n-existe-pas-aux-yeux-de-vladimir-poutine.php

HESSE Edouard, « Comment Poutine manipule l’histoire de la Russie pour parvenir à ses fins », Slate.fr, 29 juin 2023, URL : https://www.slate.fr/story/249220/manipulation-histoire-russie-poutine-verite-faits-historiques-jade-mcglynn

KASTOUEVA-JEAN Tatiana (dir.) , Mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans la Russie actuelle, Russie.Nei.Reports, n° 31, IFRI, juin 2020, URL : https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/russieneireports/memoire-de-seconde-guerre-mondiale-russie-actuelle

KATCHANOVSKI Ivan, KOHUT Zenon E., NEBESIO Bohdan Y., YURKEVICH Myroslav, Historical Dictionary of Ukraine, Scarecrow Press, juillet 2013.

KAUFFMAN Sylvie, Les Aveuglés, Comment Berlin et Paris ont laissé la voie libre à la Russie, Stock, octobre 2023.

KOPOSOV Nikolay, « Une loi pour faire la guerre : la Russie et sa mémoire », Le Débat, n°181, 2014.

KOUSTOVA Emilia, « La mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Russie », MemorialFrance.org, 1er juillet 2020, URL : https://memorial-france.org/la-memoire-de-la-seconde-guerre-mondiale-en-russie/

KOZOVOÏ Andreï, Brejnev, L’antihéros, Perrin, 2021.

KRASINSKI Vladislav, SHCHERBINA Serhiy, « Владимир Зеленский: Нам выгодно распустить Раду, но будем думать и поступать по закону », rbc.ua, 18 avril 2019, URL : https://www.rbc.ua/rus/news/vladimir-zelenskiy-nam-vygodno-raspustit-1555546435.html

La Rédaction avec AFP, « Poutine «se comporte comme les nazis», dénonce Josep Borrell, porte-parole de l’UE », parismatch.com, 25 février 2022, URL : https://www.parismatch.com/Actu/International/Poutine-se-comporte-comme-les-nazis-denonce-Josep-Borrell-porte-parole-de-l-UE-1790482

LAMBERT Elise, « « Génocide », « dénazification »… Comment Vladimir Poutine réécrit l’histoire pour justifier la guerre en Ukraine », franceinfo, 24 février 2022, URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/genocide-denazification-comment-vladimir-poutine-reecrit-l-histoire-pour-justifier-la-guerre-en-ukraine_4979184.html

LAMBERT Elise, « Crise Russie-Ukraine : comment la politique de Vladimir Poutine est-elle perçue par la population russe ? », France info, 22 février 2022, URL :  https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/crise-russie-ukraine-comment-la-politique-de-vladimir-poutine-est-elle-percue-par-la-population-russe_4975326.html

LARUELLE Marlène, Is Russia Fascist ?: Unraveling Propaganda East and West, Cornell University Press,15 mars 2021

LARUELLE Marlène. « L’idéologie comme instrument du soft power russe. Succès, échecs et incertitudes », Hérodote, vol. 166-167, no. 3-4, 2017, pp. 23-35.

LECOMPTE Francis, ZEITOUN Charline, « Babi Yar, 1941. Le massacre des Juifs de Kiev restitué dans un documentaire exceptionnel », CNRS Le Journal, 3 octobre 2022, URL : https://lejournal.cnrs.fr/articles/babi-yar-1941-le-massacre-des-juifs-de-kiev-restitue-dans-un-documentaire-exceptionnel

Les Echos, « Guerre en Ukraine : les faits marquants du mardi 17 mai », LesEchos, 17 mai 2022. https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/en-direct-guerre-en-ukraine-le-point-sur-la-situation-de-mardi-17-mai-1407435

LIGHT Margot. « La galaxie CEI 1991-2006 », Le Courrier des pays de l’Est, vol. 1055, no. 3, 2006, pp. 14-25.

LOAEC Maëlane, « Guerre en Ukraine : pourquoi Vladimir Poutine affirme-t-il que des « néonazis » sont au pouvoir à Kiev ? », TF1 Info, 25 février 2022, URL :  https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-pourquoi-vladimir-poutine-affirme-t-il-que-des-neonazis-sont-au-pouvoir-a-kiev-2211898.html

LORRAIN François-Guillaime, « Bandera, ce héros ukrainien controversé », Le Point, 28 mars 2022, URL : https://www.lepoint.fr/histoire/bandera-ce-heros-ukrainien-controverse-28-03-2022-2469961_1615.php

LUSSATO Céline, « « Dénazifier l’Ukraine, c’est une ineptie ! Où sont les nazis ? » », L’Obs, 22 mars, 2022, URL : https://www.nouvelobs.com/guerre-en-ukraine/20220322.OBS56053/denazifier-l-ukraine-c-est-une-ineptie-ou-sont-les-nazis.html

MAILLOT Hugues, « Y a-t-il vraiment des «nazis» en Ukraine, comme l’affirme Vladimir Poutine ? », Le Figaro, 23 mars 2022, URL : https://www.lefigaro.fr/international/y-a-t-il-vraiment-des-nazis-en-ukraine-comme-l-affirme-vladimir-poutine-20220323

MALAURIE Guillaume, « Poutine, Zelinsky : le ping-pong du nazisme », Challenges, 1 juin 2023, URL : https://www.challenges.fr/idees/poutine-zelinsky-le-ping-pong-du-nazisme_857262

MAROUCHEVSKA Anastasiia, « L’Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale : le Mythe de la Grande Guerre Patriotique », war.ukraine.ua, 8 mai 2022, URL : https://war.ukraine.ua/fr/articles/l-ukraine-pendant-la-deuxieme-guerre-mondiale-le-mythe-de-la-grande-guerre-patriotique/

MARPLES David R. , Heroes and Villains : Creating National History in Contemporary Ukraine, Central European University Press, mars 2009.

MARPLES David,  « Stepan Bandera : In search of Ukraine for Ukrainians », Rebecca HAYNES, Martyn RADY (dirs.), In the Shadow of Hitler : Personalities of the Right in Central and Eastern, I.B.Tauris, 30 novembre 2013.

MCGLYNN Jade, Memory Makers : The Politics of the Past in Putin’s Russia, Bloomsbury Academic, 1er juin 2023.

MENGER Pierre-Michel, « Richard Wagner et la portée de son antisémitisme (note critique) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 73, no. 3, 2018, p. 671-692.

Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Gel des avoirs de Dimitry UTKIN, Direction générale du Trésor, URL :  https://gels-avoirs.dgtresor.gouv.fr/Gels/RegistreDetail?idRegistre=3730

Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Déclaration du Ministère russe des Affaires étrangères en rapport avec les propos du chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell comparant la politique des États-Unis et de leurs alliés envers Moscou aux actions d’Adolf Hitler, 21 janvier 2023, URL : https://mid.ru/fr/foreign_policy/rso/evropejskij-souz-es/1849114/

MONACO Carla, HORN Alexandre, « Quelle est l’importance du régiment Azov, cette unité ukrainienne fondée par des proches de la mouvance néonazie? », Libération, 8 mars 2022, URL : https://www.liberation.fr/checknews/quelle-est-limportance-du-regiment-azov-cette-unite-ukrainienne-fondee-par-des-proches-de-la-mouvance-neonazie-20220308_6UPAODEHPVCCBA5Z5BQ2QQZKTQ/

NIKZENTAITIS A., « The Place of Past Events in International Information Wars », Lithuanian Historical Studies, vol. 23, n° 1, décembre 2019, p. 145-163.

PEREZ Andrea, « « Fondateur de Wagner », fasciné par le nazisme, bras droit de Prigojine… Qui était Dmitri Outkine, décédé dans le crash d’avion ? », L’indépendant, 24 août 2023, URL : https://www.lindependant.fr/2023/08/24/fondateur-de-wagner-fascine-par-le-nazisme-bras-droit-de-prigojine-qui-etait-dmitri-outkine-decede-dans-le-crash-davion-11412780.php

PETITE Simon, ACKERMAN Galia, «En Ukraine, personne ne commémorera le 9 mai, à part sous la contrainte» , Le Temps, 5 mai 2022,URL : https://www.letemps.ch/monde/europe/galia-ackerman-ukraine-personne-ne-commemorera-9-mai-part-contrainte

PHAM Quang, « Guerre en Ukraine : quatre questions sur Stepan Bandera, figure historique présentée par la propagande russe comme le symbole de la « nazification » du pays », franceinfo, 2 mars 2023, URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-quatre-questions-sur-stepan-bandera-figure-historique-presentee-par-la-propagande-russe-comme-le-symbole-de-la-nazification-du-pays_5683016.html

POINCARE Nicolas, « Pourquoi Vladimir Poutine accuse-t-il toujours l’Ukraine d’être un pays nazi ? », BFM RMC, 10 mai 2022.

POUTINE Vladimir, « Discours tenu au Kremlin à Moscou, le 24 février 2022 », Revue Politique et Parlementaire, 24 février 2022, URL :   https://www.revuepolitique.fr/intervention-du-president-poutine-24-fevrier-2022/

RIMBERT Pierre, « Ne pas voir, ne rien dire », Le Monde Diplomatique, mars 2022, URL: https://www.monde-diplomatique.fr/2022/03/RIMBERT/64441

SCHERRER Jutta, « Anciens/Nouveaux lieux de mémoire en Russie », Outre-Terre, vol. 19, n°2, 2007, p. 187-194.

SMART Charlie, « Hox the Russian Media Spread False Claims About Ukrainian Nazis », The New York Times, 2 juillet 2022, URL : https://www.nytimes.com/interactive/2022/07/02/world/europe/ukraine-nazis-russia-media.html                

Sud Ouest, « Ukraine : des soldats russes à la frontière aux menaces de Biden, retour sur trois mois d’escalade », SudOuest.fr, 24 janvier 2022, URL : https://www.sudouest.fr/international/europe/ukraine/ukraine-des-soldats-russes-a-la-frontiere-aux-menaces-de-biden-retour-sur-trois-mois-d-escalade-7985260.php

TERVE Claire, « Ukraine : d’où vient l’argumentaire de la Russie sur les « nazis ukrainiens » ? », Huffingtonpost, 7 avril 2022, URL : https://www.huffingtonpost.fr/international/article/ukraine-d-ou-vient-l-argumentaire-de-la-russie-sur-les-nazis-ukrainiens_194289.html

Unian Info, « Zelensky on Bandera: Ukrainians should also praise modern day heroes », unian .info, 18 avril 2019, URL : https://www.unian.info/politics/10521105-zelensky-on-bandera-ukrainians-should-also-praise-modern-day-heroes.html

VIDAL Florian. « Russie/Europe de l’Est : les guerres mémorielles. L’autre ligne de fracture », Thierry de Montbrial éd., Ramses 2021. Le grand basculement ? Institut français des relations internationales, 2020, pp. 244-247.

WERTH Nicolas, Histoire de l’URSS, Que sais-je ?, 2020.    

ZAÏONTCHKOVSKAÏA, Janna. « CEI. Tendances migratoires de la décennie 1990 », Le Courrier des pays de l’Est, vol. 1035, no. 5, 2003, pp. 4-14.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer